Égalité professionnelle en entreprise : comment la favoriser quand la majorité de l'effectif est féminin ?

Publié le 26/09/2016

De nombreuses entreprises de services se posent aujourd'hui cette question, encouragées par un nouveau cadre législatif en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes... Et souvent, les actions en faveur de l’égalité professionnelle sont alors bien souvent centrées sur la recherche éperdue d’une plus grande mixité des effectifs dont on fait le pari qu’elle contribuerait, à long terme, à plus d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Cette association locale d’aide à domicile, en participant au « Cluster Egalité » animé par l’Aract, choisit plutôt d’œuvrer pour l’égalité professionnelle en agissant sur les conditions de travail et la qualité de vie au travail de ses salarié·e·s.)

Informations sur le cas

PME (50 à <250)
Services non marchands

Présentation

Cette association locale d’aide à domicile, de 113 salarié·e·s, propose des services d’aide aux personnes âgées et au maintien de leur autonomie ainsi que de soins infirmiers à domicile. Elle a souhaité participé au « Cluster Égalité » à travers une formation-action animée par l’Aract.

 

Cette formation vise à outiller les PME pour la réalisation d’un diagnostic de situation comparée entre les femmes et les hommes, et à les aider à trouver des pistes d’actions susceptibles d'améliorer l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail.

Demande de l'entreprise

L’entreprise, en participant au Cluster Égalité, souhaite répondre, de manière opérationnelle, à deux questions :

  • Comment identifier des écarts de situation dans son effectif qui compte 97 % de femmes et 3 % d’hommes; autrement dit, quelle signification donner à la comparaison entre la situation d’un grand nombre de femmes et celle de quelques hommes présents sur quelques emplois ?

  • Comment agir en faveur de l’égalité professionnelle alors que ses moyens d’action sont limités du fait, notamment, des contraintes financières qui pèsent sur les emplois de l’aide à domicile ?

Démarche

La méthode de travail proposée aux entreprises du Cluster Égalité s’appuie sur l’approche organisationnelle de l’égalité professionnelle développée par le réseau Anact-Aract. Elle consiste à produire des indicateurs sexués puis à interroger ces indicateurs, par un groupe de travail, autour de quatre axes d’analyse, afin d’identifier les causes structurelles des inégalités qui trouvent leurs origines dans le travail et son organisation : division sexuée des emplois et activités, clivages dans les parcours, exposition différenciée aux risques professionnels, contraintes spécifiques dans les temps de travail. Les indicateurs sur la rémunération sont appréhendés en fin de parcours, lorsque les causes d’inégalités ont été mieux identifiées.

 

Après l’étape du diagnostic, des actions concrètes sont recherchées pour réduire les écarts de situations de travail entre les femmes et les hommes. Parallèlement, les enjeux de l’égalité professionnelle sont identifiés par les parties prenantes de l’entreprise. La mise en perspective des actions avec les enjeux partagés permet enfin de les prioriser. Les travaux réalisés par le groupe de travail sont restitués à la direction et aux instances représentatives du personnel, en tant que base de travail utile à la négociation d’un accord ou à la préparation d’un plan d’action.

Compte tenu de l’absence de mixité de son effectif, l’approche, pour l’association d’aide à domicile, ne s’arrête pas à l’identification d’éventuels écarts de situation entre les femmes et les hommes. Il s’agit plutôt de partager des constats sur les conditions d’emploi, les qualifications et parcours professionnels, les conditions de travail, le temps de travail et la rémunération. Des problématiques communes à tout l’effectif sont identifiées ainsi que des écarts de situation notamment entre métiers et selon les âges et anciennetés des salarié·e·s.

 

Le groupe de travail échange d’abord sur les fonctions occupées par les trois hommes présents dans l’entreprise (l’infirmier, l’aide-soignant et l’agent d’entretien), pour identifier des difficultés pouvant expliquer ce faible nombre : peu d’hommes dans les filières de formation et les stages en entreprise qui constituent un vivier de recrutement ; des remarques désobligeantes d’usagers évoquées par un membre du groupe de travail, voire le refus de soins de la part de certain·e·s bénéficiaires lorsqu’ils sont réalisés par un homme ; enfin, l’échec du recrutement d’un jeune aide à domicile qui, malgré un processus d’intégration semblant réussi, a finalement préféré prendre un emploi dans un supermarché qui lui laissait entrevoir un parcours plus qualifiant. Ces éléments font débat…

 

Le groupe de travail constate également que 25 % de l’effectif a plus de 50 ans et échange sur l’importance de prendre en compte les facteurs d’usure professionnelle et l’amélioration des conditions de travail pour tous·te·s les salarié·e·s. L’analyse des indicateurs de formation permet d’échanger sur les moyens disponibles pour développer les compétences ; vu le faible budget formation, les participants évoquent des modalités complémentaires (les temps collectifs d’analyse de pratiques) qui permettent de tirer de l’expérience de situations de travail difficiles. Enfin, les conditions d’emploi des personnes ayant les temps de travail les plus réduits sont étudiées : salariées souhaitant garder plusieurs employeurs, salariées en congé parental, salariées plus âgées souhaitant réduire leur temps de travail avec l’avancée en âge ou bénéficiant déjà d’un régime de retraite. Sont également évoquées les actions déjà réalisées pour compléter des temps de travail ou permettre à des salariées jeunes parents de ne pas travailler le mercredi.

Bilan

À l’issue de la discussion sur les caractéristiques de l’effectif et de la réalité du travail, d’une réflexion sur les enjeux prioritaires de la structure, notamment la prévention des risques d’absentéisme liés à des problèmes de santé ou de conciliation des temps de vie, les propositions d‘actions émises par le groupe de travail portent prioritairement sur le domaine des conditions de travail, sur la formation, l’articulation des temps et l’embauche. Si l’intérêt d’agir sur la mixité de l’effectif est évoqué, notamment « pour faire évoluer les représentations et le regard porté par les professionnels et les bénéficiaires sur la présence d’hommes dans les métiers », les actions relevant de l’amélioration des conditions de travail apparaissent prioritaires, au bénéfice des salarié·e·s présent·e·s dans l’effectif.

 

Le conseil d’administration de l’association, en validant le projet de plan d’action « rappelle les contraintes budgétaires et se montre sensible à l’engagement des salarié·e·s dans ce projet et à l’opérationnalité des actions ». Les réflexions partagées sur les risques professionnels physiques, chimiques, psychosociaux, routiers et liés aux temps de travail, sont reprises dans le cadre des travaux du CHSCT qui vient d’être constitué. Autant d’actions qui participeront à l’amélioration de la qualité de vie au travail et à l’égalité professionnelle, en bénéficiant à des femmes majoritaires dans les métiers de l’aide à domicile et qui, structurellement, subissent des conditions d’emploi et de travail peu favorables.

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